
Qui suis-je ?
Qui suis-je ?
N’en déplaise à mes enfants qui m’ont demandé si, « à l’époque » j’avais rencontré les dinosaures, Louis XIV, ou connu la télévision en noir et blanc, je suis bien une femme de mon temps, confrontée comme vous à une spirale de défis permanents… Comme vous, je suis une femme « extra-ordinaire » : comme vous peut-être, il m’aura fallu bien des années pour m’en apercevoir !
Je suis née avec l’arrivée de Mitterrand, l’essor du minitel et de la Game Boy où Super Mario et Sonic courent au coude à coude ; tandis que je fais mes premiers pas, l’empire soviétique s’effondre, et Tchernobyl explose…
Cachée derrière un rideau qui ferme le « salon télé réservé aux grandes personnes ( !) », j’entends mon père rire devant le « Bébête Show », les médias s’alarmer sur le virus du sida qui ravage le monde et j’attrape au vol quelques images de Top Gun (le premier, bien sûr…), de l’Arme fatale et de la Boum…
Je vais à l’école en tenant mes petits frères par la main pour prendre le bus, sans crainte de personne en remontant la rue d’une banlieue parisienne ; le mercredi après-midi, je vais au parc pour faire du patin à roulettes, et je mange des sucettes « Pierrot » au goûter du dimanche chez mes grands-parents.
En classe, j’écris « la leçon de morale » du jour au stylo plume et je peine sur les accords de ces maudits « participes passés ». J’ai l’estomac noué par les cinq minutes de calcul mental où s’enchaînent les tables de multiplication dans « tous les sens ». J’ai droit au -38 en dictée, aux croix d’honneur remises le samedi matin lorsque le bulletin brille, et aux semonces parentales lorsque j’ai toisé, paraît-il avec insolence, l’institutrice qui m’a dit de baisser les yeux, après m’avoir demandé de la regarder lorsqu’elle me parle… Ecole des années 80… à des années lumières semble-t-il !
La décennie suivante, je console mes copines de classe qui craignent pour la vie de leur père engagé en Yougoslavie ou en Irak, et je découvre avec stupeur les horreurs des guerres civiles en Afrique, les visages émaciés des enfants aux yeux entourés de mouches bourdonnantes et dont on ne voit que les côtes… Bienvenue dans le monde des après-guerres, des après « plus jamais ça »…
Pendant que le grunge et le punk enflamment les salles de concert, je me bats avec les équations, et je rabâche mes déclinaisons grecques ou latines. Je découvre avec bonheur les Horaces et les Curiaces,* pleure avec Chimène,* rit avec monsieur Molière, ses Précieuses, et son Bourgeois. Je ressemble un jour à Antigone,* le lendemain à Colomba,* pour finalement me prendre de passion pour les rediffusions d’ « Au théâtre ce soir », où brillent Jacqueline Maillan et Maria Pacôme.
Pour tromper le mortel ennui de mes cours d’histoire au lycée, je griffonne des dizaines de copies que les copines de ma rangée de bureau s’arrachent pour découvrir les aventures d’un héros jeune et beau à Madagascar : admirateur de mon assiduité, mon professeur me donne un prix de « prise de notes », mes amies font des pronostics sur le tirage de cet « extraordinaire » roman, (sautant allègrement l’étape de la publication!) et l’écrivain de jeunesse à qui j’envoie ce premier manuscrit a l’immense gentillesse de me répondre : « Bravo Mademoiselle, c’est un beau début ! Il faut continuer de travailler votre écriture. Combien de temps avez-vous vécu dans ce pays que vous semblez aimer passionnément ? » A vrai dire, je n’y avais jamais mis les pieds, mais il ne pouvait me faire de plus beau compliment ! Mes deux cahiers « géniaux » resteront longtemps au fond d’un tiroir avant de disparaitre dans un énième déménagement…
Alors que Senna se tue sous nos yeux un dimanche après-midi, et faute de savoir que faire de mes dix doigts et de mon petit cerveau, je me prépare finalement à rentrer à l’Université pour étudier des Lettres, avec une seule conviction : je ne serai jamais prof !
Pour la gamine qui a grandi à l’écart du monde dans une pension religieuse, l’entrée dans une fac de gauche où il y aura plus de jours de grève que d’heures de cours, c’est un peu comme « rencontre avec le troisième type »…
Mes études m’ennuient, (encore !) mais qu’importe : je tombe amoureuse, découvre un premier métier au pays de Manon des Sources, et m’envole pour l’Argentine où je découvre une autre planète aux couleurs indicibles. Une première fuite de cette France où je ne trouve pas ma place, sans même avoir conscience que, où qu’on aille, c’est toujours avec soi ! Et toujours avec cette petite voix déjà qui résonne comme un 33 tours rayé : seras-tu à la hauteur ?
Vingt ans plus tard, deux reconversions professionnelles à mon actif (dont une comme prof !!!) et sept enfants à la maison, où en sommes-nous? Que retenir de ces deux décennies de « vie d’adultes » où catastrophes et mauvaises nouvelles n’ont cessé de se succéder, sur les ondes, sur les écrans ?… et pour finir maintenant sur ce merveilleux objet arrivé jusque dans nos lits qui vibre ou sonne à tout instant ?
Dans ce drôle de monde, le premier « startupper» du pays, pardon : « le dirigeant d’une entreprise innovante à fort potentiel de développement », (je me suis juré d’écrire dans ma langue natale, mais c’est un peu long quand même ! ) m’a dit que « j’avais tout faux « : la culture de ma patrie, elle n’existe pas ! Les femmes instruites ayant fait le choix d’avoir 7 enfants, non plus… A l’entendre, je ne suis donc rien…
Ni pour lui, ni pour la fonctionnaire aux manettes afin de distribuer « un pognon de dingue » : « Ah, vous élevez vos enfants, donc vous ne faites rien ». Son verdict tombe, sec, tranchant : « Vous êtes dans la catégorie « sans profession »!
Si, quelques années plus tard, j’arrive en retard pour récupérer les enfants à l’école à l’issue d’une réunion marketing qui n’en finit plus, c’est sûrement parce que je suis incapable d’être à l’heure ! S’il n’y a plus de lait pour le chocolat du matin, c’est que je ne suis pas organisée… et si je m’endors sur le premier paragraphe de mon livre, c’est sûrement parce que je ne sais pas gérer mon temps …
Visiblement, je fais partie de ces gens « qu’on croise dans les gares et qui ne sont rien, » de ceux que notre startupper national « a bien envie d’emmerder »…
Enfin, c’est ce que j’ai cru, longtemps… Et puis, j’ai eu la chance de frôler la fameuse étape du « burn-out », et j’ai découvert que je me trompais. Je ne savais pas regarder le reflet que me renvoyait le miroir chaque matin : je suis une femme, une amie, une épouse, une mère, une grand-mère ( hé oui !!!) et une professionnelle ! Je suis passionnée, admirative, vivante et dotée de l’immense cadeau que nous offre le temps qui passe, je suis aussi expérimentée ! Cela ne fait aucun doute : je me sens tellement mieux qu’il y a vingt ans ! (exception faite de mes lombaires au saut du lit, bien sûr ! Je ne voudrais pas que vous pensiez que je vous mens…)
Et grâce à tout cela, je suis « extra-ordinaire » ! Comme vous !
Vous en doutez encore ? Mais n’êtes-vous pas celle qui se lève chaque matin, en choisissant de continuer à avancer, de continuer à aimer, à s’émerveiller, à apprendre, à rêver ? N’est-ce pas vous qui, sans parfois vous en rendre compte, changez un peu le monde en le rendant meilleur par votre sourire, votre petit geste, votre attention ?
Si ce n’est pas encore une évidence, alors bienvenue sur ce blog : je serai ravie de vous accompagner dans cette découverte qui va changer toute votre vie !
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